Quand je lis :
« Manger bio, c’est respecter l’environnement. C’est faire en sorte que l’on vive sur une planète moins polluée et donc plus saine pour ses habitants.
Manger bio, c’est se faire du bien d’un point de vue psychologique. C’est redécouvrir le plaisir de cuisiner, c’est être fier d’appartenir à une communauté respectueuse du travail des agriculteurs, c’est donner plus de sens à son alimentation. »
J’ai l’impression de vivre dans le pays des bisounours 😊
Évidement, pour le côté mercantile il est toujours bon de mettre ce coté en avant, de plus il est préférable aujourd’hui d’en tirer le meilleur et de pousser le bio vers le haut avec ce qu’il a de mieux à nous offrir.
Cependant, il faut être réaliste et admettre que le bio n’est plus tout rose.
En 2015 le marché du bio représentait déjà 5,5 milliards d’euros, face à une telle déferlante la grande distribution ne pouvait pas rester les bras croisés.
Du coup, les supermarchés exercent une véritable pression sur les agriculteurs et les éleveurs, qui ne parviennent pas à se rémunérer correctement. D’autant plus que la taille des exploitations est souvent plus petite et les rendements moins élevés en bio qu’en agriculture/élevage conventionnel.
Cette politique des prix bas conduit également les supermarchés à importer les produits les moins chers possible. C’est-à-dire qu’ils viennent de plus en plus loin, et dans les conditions de production que vous imaginez. Les tomates ou les poivrons bios d’Espagne, présents toute l’année sur les étals, d’où viennent-ils ? De la province d’Almeria (alias la mer de plastique). Une région désertique où les légumes poussent sous serre, dans du sable où l’on verse des nutriments – bios ! – au goutte à goutte… Le tout en faisant travailler des immigrés dans des conditions illégales et indécentes. Allez, bon appétit !
Avec un chiffre d’affaires qui a augmenté de 19% en 2009 pour les produits bio, le secteur a le vent en poupe. Longtemps délaissé par les supermarchés et les industriels car considéré comme marginal, le bio est devenu pour eux incontournable.
Le problème est que nous sommes face à une industrialisation du bio. Il faut, à la manière des produits conventionnels, plaire au plus grand nombre en créant des produits aseptisés, bien emballés, au goût passe partout.
La grande distribution ne se tourne pas vers les petits fabricants artisanaux, qui ne peuvent fournir assez de denrées et à un prix plancher, mais vers les grands groupes industriels qui se sont accaparés de ce marché juteux.
Voici l’ère de l’agriculture biologique intensive et industrielle avec les monocultures, les monoélevages gigantesques, au développement de l’importation des denrées provenant de l’autre bout du monde, à l’allègement du cahier des charges des labels bio, au non-respect des travailleurs, à la standardisation des coûts, etc. Comme le dit si bien Picard, par exemple, « Il nous faut du beau bio ».
Nous assistons ainsi à une perversion de l’idéologie « bio » d’origine de la petite paysannerie, qui cultivent des variétés anciennes avec des saveurs uniques dans le respect de la terre et de l’environnement.
Une taille industrielle
Fin 2008, plus de 35 millions d’hectares sont cultivés en agriculture biologique dans le monde, d’après l’IFOAM (International Fédération of Organic Agriculture Movements). La nouvelle règlementation européenne permet à un éleveur de produire jusqu’à « 75 000 poulets de chair bio à l’année et ne limite pas la taille des élevages de poules pondeuses bio ». Bionest qui fait des fraises bio en Andalousie possède 500 hectares serres. AgriEco produit, avec ses 160 hectares de serres, plus de 11 000 tonnes de poivrons, tomates et concombres bio [1].
Désastre écologique et sociologique
L’exemple des fraises bio
La société Bionest en Espagne, par exemple, cultive sous des centaines d’hectares de serres une seule variété de fraises bio qui est « particulièrement polluante et exploiteuse en main-d’œuvre ». Cette société se situe parmi tant d’autres de manière plus ou moins illégale dans le parc naturel de Doñana (inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco) selon WWF-Espagne. La technique de culture est très semblable à celle des cultures conventionnelles (irrigation goutte-à-goutte, usage d’engrais, monoculture…).
Bionest emploi des femmes, pour la récolte de leurs fruits, qui viennent de Roumanie, Pologne, des Philippines, qui ne connaissent pas leurs droits et qui sont totalement soumises à leurs employeurs (interdiction de visites, passeports confisqués, sorties contrôlées, etc.). Les conditions de travail sont particulièrement difficiles pour elles et ne sont pas différentes de celles des entreprises conventionnelles. Selon Le monde diplomatique « Bionest n’est pas un cas isolé en Andalousie ».
Des producteurs asservis
Daniel Florentin, membre de la Confédération paysanne affirme que « les producteurs sont sous contrats serrés et perdent toute leur autonomie. Ils sont lourdement endettés pour au moins vingt ans et doivent livrer la totalité de leur production à la coopérative qui s’engage à la prendre, sans prix déterminé à l’avance. C’est un pur système d’intégration, courant dans les élevages intensifs conventionnels ».
Des petits producteurs de soja bio en Amérique latine dépendent de grosses sociétés d’exportation et « refusent les visites de la presse », c’est dire le manque de transparence des groupes.
Importation : produits hors saison avec moins de goût
60% des fruits et légumes biologiques sont importés en France. ProNatura, le leader du marché actuel, a été le premier à commercialiser des fruits et légumes bio hors saison. Il ne parait pas surprenant pour le consommateur de trouver en rayon des fraises bio ou non, en plein mois de janvier par exemple. Ces importations favorisent pourtant les gaz à effet de serre et augmentent sensiblement les coûts des produits. Selon le WWF, un fruit importé hors saison par avion est 10 à 20 fois plus consommateur de pétrole que le même fruit acheté localement et en saison. Tout ceci est sans parler du goût du fruit qui n’aura pas autant de saveurs car cueilli bien souvent à une moindre maturité. Le goût est également bien souvent moins bon, moins prononcé car on privilégie les variétés à haut rendements, résistantes au transport, qui se conservent bien, etc. au détriment des saveurs.
Produits limites en épicerie….
Manger bio coûte encore 64% plus cher [B. Méhats-Démazure]
4 Janvier 2017
Les ventes de produits biologiques sont au beau fixe, la consommation est en hausse constante : +10% en 2015, +20% au premier semestre 2016.
Mais qu’en est-il des prix ? Un tel engouement a-t-il réduit l’écart avec les produits conventionnels ? La réponse est… non. En moyenne, un produit bio est vendu 64% plus cher que son équivalent conventionnel.
Les écarts varient selon les productions agricoles. Les prix passent ainsi du simple au double pour les légumes surgelés, ils augmentent de 80% pour les charcuteries de porc. À l’inverse, le litre de lait bio coûte en moyenne seulement 17% plus cher que le litre de lait conventionnel.
LES FRAUDES ET DERIVES DU BIO
Les géants de l’agroalimentaire ont compris le filon : on fait du bio industriel : cela coûte moins cher, mais on a le label.
N’oublions pas qu’aujourd’hui, un producteur de volailles n’est plus obligé de cultiver lui-même au moins 40% du blé ou du maïs qu’il leur donne à manger. Il peut maintenant importer et gaver ses volailles, tout comme le réseau conventionnel.
Bien sûr, le soja, le blé ou le maïs en question est bio, mais la réglementation autorise maintenant jusqu’à 0,9% d’OGM.
Il est essentiel de bien comprendre que plus on fait en grosses quantités, plus il est difficile de contrôler, de voir la faille, de ne pas se tromper.
Concernant les légumes, l’Europe autorise maintenant la culture hors sol. On trouve donc des cultures ultra intensives… mais bio
Conclusion : Au niveau du label bio européen il n’y a aucune différence entre la tomate cultivée en plein champ en été, et la tomate cultivée hors sol, hors saison : elles ont toutes les deux le logo AB.
Aucune différence non plus entre le poulet qui picore des vers dans un champ, et le poulet qui est gavé de soja et vit si près de ses congénères que l’on doit parfois l’ébecquer.
L’essentiel des alertes porte sur les aliments en provenance de pays n’appartenant pas à l’Union. Depuis 2005, les membres de l’UE ont retiré près de 200 autorisations d’importation, la plupart du temps pour non-respect de la législation sur le bio. Ces retraits sont une sanction ultime pour les producteurs qui ne pourraient ou ne voudraient pas corriger rapidement le tir. Quand il s’agit de problèmes ponctuels, leurs lots sont simplement déclassés, mais les exportateurs gardent leur autorisation. C’est le règne de l’opacité la plus totale : ne sont recensés officiellement que les cas mettant en danger la santé du consommateur. Parmi les 159 affaires relevées depuis 2005, des baies roses de Madagascar aspergées de DDT (un insecticide toxique interdit en Europe), du jus de pommes turc ou des graines de lin chinoises gavés de pesticides, au-delà même des limites autorisées en agriculture conventionnelle.
Début décembre 2011, la Guardia di finanza, la brigade financière italienne, a démantelé un vaste trafic portant essentiellement sur des céréales (orge, maïs, blé, soja, tournesol, colza, millet et avoine), commercialisées sous l’étiquette bio depuis 2007 alors qu’il s’agit de produits conventionnels. Selon les résultats préliminaires de l’enquête [[«Organic Fraud» in Italy – The facts, Organic Market-Info, 10 déc. 2011]], de fausses zones de productions bio avaient été validées par un responsable de certification régionale «bienveillant». Ce qui a permis à un certain nombre de sociétés agricoles – dont Sunny Land, au cœur du scandale – de justifier un potentiel de production de denrées bio.
Selon les résultats préliminaires de l’enquête [[« Organics Fraud » in Italy – The facts, Organic Market-Info, 10 déc. 2011]], de fausses zones de productions bio avaient été validées par un responsable de certification régionale « bienveillant ». Ce qui a permis à un certain nombre de sociétés agricoles – dont Sunny Land, au cœur du scandale – de justifier un potentiel de production de denrées bio.
Le consommateur achète – très cher – un produit qu’il suppose cultivé sans produit chimique, avec des méthodes naturelles. Un expert commente : « C’est un contrat de confiance qu’un rien peut déchirer. » Dès lors, rares sont ceux qui osent rompre le silence. Jouer la transparence.
Alors, quitte à parler du bio, Lévêque préférerait que l’on aborde les sujets plaisants : le formidable engouement des Français pour des produits sains, répondant à un cahier des charges rigoureux. Une consommation qui a progressé de 25% par an en période faste. Partie de 400 millions d’euros en 1994, elle a franchi le milliard cinq ans plus tard. Et ce n’est pas fini.
C’est justement là que ça coince. Trente ans après avoir été à l’avant-garde, la production française piétine. Après s’être imposée comme le leader du secteur, la France est passée au 6e rang européen. Dépassée par l’Allemagne, mais aussi par de nouveaux venus, comme l’Italie. Drôle de drame : des fruits aux plats cuisinés, en passant par la viande ou les céréales, la plupart de ses filières ne couvrent pas les besoins nationaux. D’où un appel massif aux producteurs étrangers. Les Allemands et les pays du Nord, mais également les Italiens ou les Espagnols. L’ennui, c’est que ces pays connaissent, eux aussi, une flambée de leur consommation bio. Résultat des courses, l’importation française de produits en provenance de producteurs bio non européens a été multipliée par 10 entre 1993 et 1999.
Tout le monde le sait, l’aliment bio le plus sûr est celui qui est produit dans le champ d’à côté. A L’Isle-Jourdain, à côté de Toulouse, William Vidal, président d’Ecocert, premier contrôleur mondial de produits bio, confirme : « Plus vous allongez les circuits, plus vous prenez de risques. » Pensez donc : selon les canons en vigueur, de la pelle qui sert à retourner le blé dans la remorque accrochée au tracteur au TIR (transport international routier) qui le transporte, tout doit être bio. Même la grue dans le port ou le cargo sur la mer. Une seule infraction et le bio devra être ravalé au rang de vulgaire produit conventionnel. C’est peu de dire que le consommateur se pose quelques questions devant l’irruption de produits venus du monde entier.
Blé ukrainien, coton égyptien, cacahouètes du Soudan, mangues de Côte d’Ivoire, pâtes d’Italie, sarrasin à décortiquer des Etats-Unis, miel de Hongrie, oranges d’Argentine, guarana du Brésil, sucre de Madagascar, abricots et noisettes de Turquie, bananes de Saint-Domingue, herbes de Bulgarie, colza du Canada, pommes de Pologne ou café du Mexique : en 2002, la fourche s’est diablement éloignée de la fourchette. Et les occasions de dérapage sont devenues de plus en plus nombreuses à mesure que les règlements sont devenus de plus en plus touffus. Sans parler des écarts culturels entre les méthodes de production.
Le militant bio de la première heure n’est pas le seul à ne jurer que par les réseaux personnels. Biocoop travaille ainsi en Turquie avec des producteurs d’abricots bio chapeautés par une organisation allemande qui s’occupe tout à la fois de bio et d’éthique. « En général, nous ne travaillons pas avec des gens que nous ne connaissons pas personnellement », pointe Patrick Colin, responsable de la qualité chez Biocoop.
Jean-Louis Moy, éleveur de moutons bio dans la Vienne et responsable du comité de vigilance de la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab), espère, lui, que le colmatage de la législation européenne sera suffisant pour décourager de nouvelles vocations. Devant l’ampleur des dégâts, les Quinze, Allemands en tête, sont montés au créneau. Ils ont mis la pression sur les intermédiaires. Bruxelles a aussi sérieusement durci le cadre des contrôles. En France, le ministère de l’Agriculture et la Répression des fraudes ont fait le ménage. Rudement. Deux des huit organismes de certification ont été éliminés. Les autres, avertis sévèrement. Normal : « La crédibilité du bio repose sur la qualité des contrôleurs et des certificateurs », explique Polin à la DGCCRF.
Des faux œufs bio vendus en grandes surfaces
Les consommateurs se détournant des œufs de poules élevées en batterie, certains fabricants dont les produits sont vendus en grandes et moyennes surfaces (GMS) n’ont aucun scrupule à usurper les labels bio ! Contre son propre gré, on se retrouve avec des œufs issus de l’élevage en batterie au lieu d’acheter des œufs de poules élevées en plein air ou bio, comme on le croyait. Et surtout, on cautionne, sans le savoir, les conditions de l’élevage intensif comme l’enfermement des poules pondeuses dans un environnement appauvri à l’extrême (obscurité, surpopulation) et dans un espace de vie semblable à la surface d’une feuille A4. Dans ces conditions de privations intenses, les poules pondeuses endurent un an de détresse physiologique et comportementale.
Un verre de vin pour faire passer tout ça ? Merci encore à l’Europe qui a tronqué le cahier des charges. Les grandes coopératives en profitent pour accaparer le marché. La production augmente, le goût se standardise. Par exemple, l’ajout de levures qui réduisent le temps de travail en cave et contribuent à la production de masse est autorisé. Toujours plus et toujours plus vite.
Un bio de moins en moins bio ! Il est réduit à une distribution d’aliments sans pesticides pour consommateurs occidentaux soucieux de leur santé.
Les conséquences sont multiples : la monoculture, la concurrence sauvage, la spoliation des terres ou l’exploitation de la main-d’œuvre. En mire se profile la disparition du monde paysan, sans compter que les terres lointaines de l’hémisphère sud converties au bio ne nourrissent plus la population locale.
Business et éthique
Mais, après le faux bio, un autre grand chantier attend les responsables européens. Celui de l’harmonisation des importations en provenance de pays tiers. Bon courage ! Toujours dans son fameux rapport de l’Inra, Bertil Sylvander écrivait : « Pour les pays tiers, la règle d’un agrément ponctuel par pays et par produit est lourde, peu satisfaisante et sujette à fraudes. »
Sur le papier, le système semble imperméable. Seuls six pays – l’Argentine, l’Australie, la Hongrie, Israël, la Suisse et la République tchèque – sont libres de commercer avec l’Europe. Les autres, et les Etats-Unis ne font pas exception, doivent prouver que leurs méthodes de production se rapprochent de celles acceptées par le pays importateur. Problème : « Il y a des contrôleurs plus laxistes qui cherchent, avant tout, à faire du chiffre. Le contrôle est devenu un business international », accuse un haut fonctionnaire, ancien responsable des labels.
Cet ancien pêcheur de crevettes a choisi l’Auvergne comme plate-forme de commercialisation du guarana bio, des baies utilisées à la fois pour couper l’appétit et pour combattre le sommeil. Son dossier d’approbation par la France lui coûte environ 11 000 euros par an. Bien cher pour les 45 petits paysans indiens de sa coopérative. Mais Monteiro est resté fidèle à Ecocert.
Rotterdam, port des suspicions
Les agriculteurs bio français n’ont pas d’états d’âme. Pour eux, le mouton noir européen est néerlandais. On ne se refait pas : les Pays-Bas, qui produisent très peu de bio, sont devenus en très peu de temps la plaque tournante du commerce bio en Europe. Chez Biocoop, Patrick Colin constate : « Il y a beaucoup d’opérateurs, beaucoup de dossiers. C’est un système très libéral et rien ne doit venir troubler son fonctionnement. »
Voici donc les Néerlandais accusés de ne pas suffisamment cadrer leurs contrôles. Chargés de tous les maux, notamment celui d’être le cheval de Troie de certaines productions refusées par d’autres, comme la France, ou le réceptacle de tous les produits louches. François Pasquereau s’est ainsi vu proposer des céréales bio venues du Kazakhstan, stockées et embarquées en Ukraine à destination de Rotterdam, le port de toutes les suspicions. Le Suisse Otto Schmidt, spécialiste international des contrôles, tempère : « C’était vrai il y a encore peu mais ils ont beaucoup évolué. » Changement de cap. Les Néerlandais font, aujourd’hui, dans le conseil technique bio. Ils sont, aussi, partis à l’assaut de la production et de la distribution.
A VOIR CHEZ BIOCOOP
LES SPECIALISTES DE LA BIO INDUSTRIEL
BODIN, LE PICOREUR OU DOUCE France
Le croupion entre deux chaises !
Illustration du mauvais positionnement de notre agroalimentaire, le second volailler français n’est ni low-cost ni haut de gamme.
Dans un paysage bucolique, une femme étend sur un fil à linge une nappe à carreaux qui porte cette mention : « Chez Douce France, nos valeurs ne sont pas cotées en Bourse. » Le dernier spot télévisé de la marque du groupe gastronome en fait des tonnes sur les avantages du modèle coopératif. Dans ce monde merveilleux, le capital, c’est le terroir, les actions, les poulets, et les actionnaires, les consommateurs. Quant à l’efficacité du système, elle n’est pas évoquée… et cela vaut mieux !
S’il était listé sur Euronext, Gastronome serait prié de revoir ses recettes. Numéro 2 français de la volaille, la filiale du géant coopératif Terrena n’en finit pas de perdre des plumes. Outre Douce France, l’ensemble regroupe les marques Gastronome Professionnels (restauration) et, dans le label rouge, Fermiers d’Ancenis, St Sever et Volailles fermières du Gers. Il fait aussi du bio avec Nature de France et le Picoreur. Malgré cette imposante basse-cour, Gastronome ne gagne pas d’argent. En dix ans, le groupe aurait accumulé 100 millions d’euros de pertes, dont 53 millions entre 2009 et 2013, date à laquelle le chiffre d’affaires s’élevait à 854 millions d’euros.
Avant l’alignement du label français sur les normes européennes (2009), 40% de l’alimentation des animaux devaient provenir de la ferme. C’est ce qu’on appelle le « lien au sol ». Aujourd’hui, l’éleveur bio peut acheter la totalité de l’alimentation aux coopératives agricoles : il s’agit d’une alimentation industrielle (soja bio importé de Chine, contaminé un temps par la mélamine, ou du Brésil, ce qui entraîne la déforestation amazonienne).
Le directeur de la coopérative Norabio située dans les Hauts-de-France affirme qu’« aujourd’hui, une ferme de 1000 vaches en BIO, c’est possible. ». De son côté, l’association L214 a plusieurs fois dénoncé certaines fermes BIO et leurs conditions d’abattage déplorables en soulignant l’incapacité du BIO d’assurer une vie décente et une mort sans souffrances ou maltraitances des animaux
BIOCOOP AUSSI A DEUX VITESSES
15% : c’est la croissance du chiffre d’affaires 2009 de Biocoop, soit 450 millions d’euros. De quoi faire rêver nombre d’entreprises ! Créé en 1986, « le premier réseau de magasins bios » de France enregistre, depuis une quinzaine d’années, une impressionnante augmentation de son activité : doublement du nombre de magasins (environ 320) et croissance du chiffre d’affaires à deux chiffres (allant parfois au-delà de 20% par an). Le nombre de salariés a, lui aussi, explosé.
Son slogan : « Ensemble pour plus de sens ». Il semble pourtant que la guerre commerciale autour du bio menace ce beau projet. Sa réussite économique risque, paradoxalement, d’entraver son dynamisme coopératif.
À partir des années 2000, Biocoop, victime de son succès, recrute des personnes issues de la grande distribution. Certains déplorent un changement de culture au sein du réseau coopératif. En cause notamment : les promos à gogo. « Nous avions l’habitude d’en faire deux par an. Une l’été, l’autre l’hiver », explique Claude le Bourhis, gérant d’une société coopérative (Scop) de distribution de produits bios, l’Ilot bio à Concarneau (Finistère). Exclu du réseau en 2009 « pour cause de désaccords politiques et de conflits d’intérêt sur l’ouverture d’un second magasin dans le secteur », il se souvient avoir été invité par Biocoop à proposer plus de 25 promotions dans la même année.
Pour Claude Le Bourhis, Biocoop pratique « un copier-coller des méthodes de la grande distribution dans le rapport aux producteurs, au salariés et aux clients ». Le PDG de Biocoop, Claude Gruffat défend son choix : « Nous avions besoin de compétences métier. Et ces compétences, on les trouve chez des personnes issues d’enseignes qui n’ont pas les mêmes valeurs que nous. Où aurions-nous pu recruter, sinon ? De toute façon, ces personnes ont intégré le projet et les valeurs de biocoop. »
Quant aux opérations promotionnelles, « elles ne pèsent pas si lourd que ça dans notre activité, poursuit Claude Gruffat. Il y a d’ailleurs un désaccord sur le sujet, entre les sociétaires. Certains magasins estiment qu’il ne faut pas aller trop loin, d’autres trouvent au contraire que nous ne sommes pas assez offensifs. » Ce que confirme Carole Prost, mandatée par l’association Bio consom’acteurs au sein du Conseil d’administration : « Biocoop, est un réseau pluriel et multiple. Certains magasins, en situation de concurrence, comme dans les grandes villes, sont sur des stratégies plus agressives. Les petites boutiques Biocoop rurales ont des demandes plus militantes. Il faut trouver l’équilibre. Ce n’est pas simple. »
Tous les magasins n’ont pas cette fibre participative. Dès 1992, le principe d’ouverture à des sociétés non coopératives est entériné. En 2001, suite à une enquête interne, 85% des magasins répondent qu’ils ne sont pas intéressés pour « participer à l’instance nationale », à cause de leur « manque de disponibilité ». L’année suivante, Biocoop cesse d’être une association pour devenir une Société anonyme coopérative, à conseil d’administration et capital variable. « Cela marque le début de certaines dérives, critique Claude Le Bourhis. Avant, il y avait une réelle participation des sociétaires. Tout cela est terminé. »
Le syndicalisme, inexistant pendant des années, émerge dans l’entreprise en 2005, peu après la fusion des trois plateformes historiques du réseau. Brigitte Masure, déléguée syndicale Force ouvrière de la plate-forme du grand Ouest, y pointe depuis 17 ans. « Avec cette fusion, les conditions de travail ont été lissées pour tout le monde.
La pression sur les fournisseurs, évoquée par plusieurs témoins, se traduit parfois par un simple dé-référencement. « Référencer une multitude de producteurs de petite taille coûte cher. Du coup, le choix est fait d’en exclure certains, note Claude Le Bourhis. Cela a des conséquences très importantes pour les petits structures, que Biocoop prétend par ailleurs défendre. »
Dans un contexte concurrentiel de plus en plus rude, Claude Gruffat assure que le « sens » et la « cohérence » doivent demeurer au cœur du réseau, même au prix de quelques « efforts » en matière de compétitivité. La question à 450 millions d’euros (le chiffre d’affaires de Biocoop en 2009) est : où s’arrêtent les compromis et où commencent les compromissions ? Réunis en congrès national ces 13 et 14 juin, les membres du réseau devront se prononcer. Le distributeur de produits bio allemand Alnatura a renié ses valeurs et en paie aujourd’hui le prix, montré du doigt pour sa politique de bas salaires.
LE BIO ET LES FRANÇAIS QUELQUES CHIFFRES
62% des Français considèrent que les produits » Développement Durable » ne sont pas assez facilement/rapidement repérables.
60% des Français seraient davantage convaincus d’acheter ces produits s’ils avaient des preuves concrètes de leur meilleure qualité.
51% des Français associent la consommation durable à la fabrication locale.
Près d’un français sur deux considère que consommer responsable, c’est consommer des produits locaux, moins polluants ou écolabellisés ou plus durable.
Source : baromètre annuel » Les Français et la consommation durable «, élaboré par Ethicity et l’ADEME
Pour conclure, même s’il faut parfois garder certaines informations pour ne pas effrayer et décourager les nouveaux adhérents du bio, nous devons être vigilant et transparent.
Un client bien informé et éclairé reste à mon avis une personne dans une situation de confiance et reconnaissante d’où ce lien, entre autres, de fidélité.